Un voyage sonore au cœur du Zimbabwe 🇿🇼
Encore une fois, le label Analog Africa nous embarque dans un véritable périple. Pas un voyage touristique, mais une traversée musicale, faite de poussière, de chaleur et d’histoire.
Direction Kwekwe, au cœur du Zimbabwe, là où le Zig-Zag Band a posé ses amplis et son âme dans les années 1980.
C’est là que le guitariste Gilbert Zvamaida, figure fondatrice du groupe, a façonné une musique hybride, née de la rencontre entre les vibrations du reggae jamaïcain et la pulsation spirituelle du peuple shona.
Le chigiyo : entre reggae et résistance
Le Zig-Zag Band ne jouait pas seulement de la musique : il inventait un langage.
Le chigiyo – ce mot local qui désigne une danse, un mouvement – est devenu bien plus qu’un style. C’est une manière de dire, de prier, de résister.
Sous les rythmes chaloupés, les lignes de basse ronflantes et les chœurs masculins envoûtants, le chigiyo portait un message d’unité, de paix et d’espoir.
Dans « Ndzirombi (Conflict Monger) », le groupe exhorte Ă la cohĂ©sion et dĂ©nonce les fauteurs de troubles. Les paroles alternent entre anglais et shona, pour mieux rassembler ceux qui avaient Ă©tĂ© sĂ©parĂ©s par l’histoire.
Une matière sonore unique : le reggae africain sous tension
Le son du Zig-Zag Band est reconnaissable entre mille.
Les guitares sonnent comme des mbira, ces instruments Ă lamelles issus de la tradition shona.
Les cuivres roulent comme un orage tropical.
Et les synthés, bourdonnants et cosmiques, tissent une brume étrange qui donne au disque un parfum d’afrofuturisme avant l’heure.
Ce n’est pas du reggae au sens strict. C’est un reggae transformé, muté, traversé de rythmes ancestraux, d’incantations et de grooves communautaires.
Chaque chanson est un sortilège. Une transe. Une mémoire.
“Chigiyo Music Kings” : un hommage vibrant
Analog Africa signe ici une réédition soignée, fidèle à son esprit d’explorateur musical.
Treize morceaux enregistrés entre 1987 et 1998, soigneusement restaurés, réédités sur vinyle, jusqu’à la sérigraphie des pochettes.
Ces titres racontent une époque où le Zimbabwe cherchait son souffle.
Où l’Afrique du Sud s’émancipait.
Où des artistes comme Zvamaida jouaient l’avenir sans le savoir.
Des bombes comme « Gomo Ramasare » ou « Mudzimu Mukuru » rĂ©sonnent comme des hymnes de rĂ©sistance.
Leur énergie brute, indomptable, dit tout d’une jeunesse qui dansait pour survivre.
Le chigiyo, une philosophie du groove
Dans le chigiyo, la répétition est incantation. Elle ne cherche pas la provocation, mais l’éveil.
Chaque refrain, chaque ligne de guitare devient un avertissement moral, une invitation à réfléchir plutôt qu’à fuir.
Le Zig-Zag Band n’était pas un groupe de protestation : c’était un collectif de guérison.
Un groupe qui, par la musique, réconciliait le social, le spirituel et le politique.
Une redécouverte nécessaire
« Chigiyo Music Kings » n’est pas une simple compilation. C’est une archĂ©ologie sonore.
Un rappel vibrant que la créativité africaine ne s’est jamais contentée d’imiter, mais qu’elle a toujours su inventer son propre langage.
À travers cette réédition, Analog Africa continue de faire ce qu’il sait faire de mieux :
donner à entendre ce que le monde a trop longtemps oublié.
Quand le disque s’éteint, il ne reste qu’une question :
Comment a-t-on pu laisser ça dormir aussi longtemps ?
Conseils d’écoute 🎧
- Lancez « Ndzirombi » Ă fond, de prĂ©fĂ©rence au lever du soleil.
- Laissez les basses faire vibrer vos murs, c’est normal.
- Découvrez aussi la scène actuelle du Zimbabwe : Mokoomba, Hope Masike, ou encore les héritiers du chigiyo à Harare.